FORCES

L'Amérique latine et les échanges commerciaux
Options stratégiques en matière d'ouverture sur l'extérieur

Juan Mario Vacchino
Directeur du développement
Secrétariat permanent du SELA

Directeur du développement au Secrétariat permanent du Système économique latino-américain (SELA) depuis février 1996, Juan Mario Vacchino est l'auteur de nombreux travaux sur l'intégration économique des pays d'Amérique latine. Avocat et docteur en sciences juridiques et sociales, il a enseigné à l'Université nationale de la Plata, en Argentine, et à l'Université du Centre du Venezuela, à Caracas.

Dans cette étude, nous analysons, sous un angle latino-américain, le caractère et le potentiel des relations extérieures des pays de la région, nouveau sujet d'actualité depuis le lancement des négociations en vue de la constitution de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) et la conclusion de l'accord de coopération économique de « quatrième génération » entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). On peut affirmer que les conditions sont actuellement réunies pour que ces accords, d'importance variable selon les groupements concernés, deviennent, à certaines conditions, un tremplin pour les pays de la région qui aspirent à participer à part entière à un marché ouvert et multipolaire.

Le contexte historique

Après leur libération de l'Espagne, les nations latino-américaines essayèrent à plusieurs reprises de constituer des unions entre États. Il y eut tout d'abord la tentative du libérateur Simón Bolívar lui-même qui, conscient des risques que comportait la dispersion, convoqua le Congreso Anfictiónico de Panamá (1824-1826) en quête de l'instauration d'une Confédération des nations hispano-américaines. Sa tentative, trop précoce, échoua. À partir des années 60, l'exemple européen mena à la conclusion de divers accords d'intégration de nature essentiellement commerciale : l'Association latino-américaine de libre-échange, par la suite Association latino-américaine d'intégration (ALADI) ; le Marché commun centraméricain (MCCA) ; la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ; le Groupe andin, relancé sous le nom de Communauté andine et, plus récemment, le Marché commun du Sud (MERCOSUR) ; le Groupe des trois (G-3) et l'Association des États des Caraïbes (AEC). À ces ententes s'ajoutent plusieurs alliances bilatérales. La plupart de ces ententes n'ont pas produit les résultats escomptés en raison de l'absence de conditions politiques, économiques, structurelles et opérationnelles favorables. Dans certains cas, les projets nationaux, conçus comme des systèmes fermés, étaient incompatibles entre eux ; dans d'autres, les différences se manifestaient au plan des politiques économiques mises en place ; dans d'autres cas encore et malgré les convergences au plan des motivations et de la conjoncture, la coexistence et la succession de régimes politiques incompatibles entre eux y ont fait obstacle.

C'est aux cours des années 90 que, pour la première fois, un ensemble minimal de conditions indispensables va surgir pour favoriser la conclusion d'accords d'intégration dans la région : les pays signataires se sont dotés de gouvernements démocratiques ; ils reconnaissent les liens historiques, culturels, de voisinage et de destinée commune qui les unissent ; ils ont des affinités en matière de politiques économiques, de processus de réforme structurelle et d'ouverture sur l'extérieur ; enfin, ils partagent le même objectif, celui de s'intégrer à part entière dans l'économie mondiale.

Les résultats de cette nouvelle constellation de facteurs favorables sont manifestes : jamais auparavant il n'avait été possible en Amérique de développer à un rythme aussi rapide et avec autant de succès des systèmes d'intégration entre deux ou plusieurs pays. Ces résultats doivent également être évalués à la lumière d'un nouveau contexte international, aux multiples facettes : d'une part, l'articulation de tous les pays dans un système mondial unique (mondialisation de l'économie et des sociétés) et, d'autre part, la formation, à l'intérieur de ce cadre global, de blocs de nations constitués de différents acteurs et poursuivant des objectifs spécifiques.

Voilà pourquoi la tendance à la formation d'un espace régional latino-américain s'accompagne de l'émergence d'alliances et de négociations où s'expriment la diversité structurelle et les différences entre les pays de la région. À cet égard, le point de cohésion ou de dispersion le plus important est l'établissement de la ZLÉA. Confrontés à ce projet, les intérêts de chaque pays pourraient bien diverger des obligations contractées en matière d'intégration régionale. Situation compréhensible certes, car s'il existe, d'une part, la possibilité de s'associer d'une façon ou d'une autre avec la première puissance mondiale, la tendance, d'autre part, est à la mise sur pied de projets sous-régionaux qui pourraient bien ne pas atteindre ni l'envergure ni la force nécessaires pour exercer des effets bénéfiques sur la performance et les perspectives économiques des pays concernés. C'est à l'intérieur de ce cadre contextuel et historique que nous allons examiner les possibilités et les options qui s'offrent aux pays de la région en matière de relations économiques extérieures.

La conjoncture actuelle

Les pays d'Amérique latine et des Caraïbes vivent un moment crucial, qui comporte certes des risques et des défis, mais qui porte aussi des espoirs et des éléments dynamisants. Sur le plan international, ces pays ont appuyé la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et espèrent que la nouvelle réglementation multilatérale deviendra un point de départ incontournable pour l'ensemble des règles devant régir le commerce international qui, de ce fait, devrait devenir plus transparent et plus prévisible. Sur le plan interne, ces pays se sont engagés dans une étape importante de modernisation des structures de production et du cadre institutionnel et de développement de programmes. Cette nouvelle conception, qui vise à assurer une meilleure insertion au plan international, se manifeste sous diverses formes : privatisation, modernisation de la production, réforme de l'État, décentralisation et ouverture sur l'extérieur.

La nouvelle stratégie comporte cependant certaines limites importantes : la stabilité institutionnelle et la croissance économique actuelles s'accompagnent d'un accroissement de la pauvreté et du chômage, manifestations d'un déficit social qui doit être corrigé dès maintenant, sous peine de plonger à nouveau les pays de la région dans le chaos politique et social.

Avec la conclusion de plusieurs ententes, ces pays ont accompli d'importants progrès en vue d'assurer leur participation au processus de régionalisation. Cette attitude répond non seulement au besoin de se défendre contre les inégalités et les difficultés qui ont caractérisé l'économie internationale, mais témoigne aussi d'une tendance qui trouve dans la proximité géographique et dans des conjonctures, des situations et des perspectives similaires le point de départ de projets communs dans divers domaines1.

Les accords sous-régionaux

Dès le milieu des années 80, et surtout à partir des années 90, le processus d'intégration a connu un nouvel essor, grâce notamment à la conclusion d'ententes sous-régionales. Ces accords ont plusieurs points en commun : a) une couverture élargie de l'univers tarifaire ; b) l'établissement d'un calendrier de libéralisation des barrières tarifaires et non tarifaires ; c) l'harmonisation des règles de politique commerciale ; d) l'inclusion d'un nombre croissant de sujets de discussion, y compris des dossiers relatifs au transport et à l'infrastructure, aux services et à la coordination des politiques ; e) l'établissement de critères institutionnels souples et susceptibles d'ajustements futurs ; f) l'adoption de modalités pragmatiques et temporelles pour le traitement des dissimilitudes actuelles entre les pays participants2.

Quant à la portée des ententes sous-régionales, il est possible de distinguer trois niveaux : i) les unions douanières en cours de perfectionnement, telles la Communauté andine, le MERCOSUR, le MCCA et la CARICOM ; ii) les accords de libre-échange de « première génération », de nature essentiellement commerciale, et iii) les accords de libre-échange de « nouvelle génération », qui comprennent d'autres dossiers comme les services, les investissements, la propriété intellectuelle et les marchés publics.

Les progrès rapides réalisés par les différents systèmes d'intégration ne se sont pas accomplis sans conflits ni fractures. Parmi les faits les plus récents, il faut souligner la décision du Pérou de se retirer de la zone de libre-échange andine, situation qui aurait pu, à la limite, entraîner son exclusion pure et simple de cette communauté. Heureusement, la récente réunion ministérielle de Quito (24 et 25 juin) s'est prononcée en faveur de l'adoption de nouvelles règles visant à assurer la continuité de la présence du Pérou au sein de l'organisation du lancement d'un processus de réduction tarifaire global qui devrait aboutir, en 2005, à une zone de libre-échange. Par l'« Acte de Quito », les parties ont également établi des critères visant à renforcer la Communauté andine et à entreprendre de nouvelles négociations avec d'autres blocs économiques, tels l'UE et le MERCOSUR.

Malgré ses succès, le MERCOSUR lui-même, en raison de problèmes internes qui affligeaient ses pays membres et qui entravaient son développement, a dû insister, au cours du récent Sommet d'Asunción, sur la nécessité de respecter les obligations contractées, en matière notamment de coordination des politiques macroéconomiques, d'approfondir la négociation de nouveaux dossiers (services et marchés publics) et d'optimiser les relations extérieures avec d'autres blocs de nations. Ces aspects sont étroitement reliés. En effet, pour que le MERCOSUR puisse préserver son identité au cours du processus de négociation en vue de la constitution de la ZLÉA, il doit approfondir sa propre intégration qui, de ce fait, va constituer une condition et une expression de la solidité des positions de ses pays membres 3.

L'espace économique latino-américain

En raison de l'adoption par les pays de la région de stratégies indirectes, mises en œuvre graduellement, la convergence au niveau régional a commencé à dépendre de plus en plus des actions et des initiatives émanant des sous-régions 4. C'est dans ce contexte que s'inscrit la proposition du Brésil de constituer une zone de libre-échange sud-américaine (ALCSA ou MERCOSUR élargi), proposition qui, reprise par la suite par le MERCOSUR, a permis à ce groupement de devenir un pôle d'attraction incontournable pour les autres pays d'Amérique du Sud. De ce fait, le MERCOSUR se profile comme un axe d'articulation de systèmes sous-régionaux qui pourrait s'étendre même jusqu'à l'Amérique centrale et aux Caraïbes.

Le Chili et la Bolivie ont réussi jusqu'ici à mener à bien des négociations visant à jeter les bases de leur adhésion au MERCOSUR, à établir des zones de libre-échange et à développer d'autres domaines et dossiers. C'est une démarche importante qui répond au besoin d'approfondir le processus d'intégration. Au cours du douzième Sommet des Présidents du MERCOSUR, tenu récemment à Asunción, les participants ont même convenu d'incorporer le Chili et la Bolivie aux négociations du bloc en vue de l'établissement de la ZLÉA, de même qu'aux futures négociations avec l'Union européenne et autres zones économiques.

D'autre part, l'accord conclu au sein de la Communauté, qui assure la continuité de la présence du Pérou dans cet organisme, pourrait se traduire par un renforcement des négociations avec le MERCOSUR en vue de parvenir, avant la fin de 1997, à la conclusion d'un accord de libre-échange qui liera les deux systèmes d'intégration au sein d'un ensemble sud-américain5. Bref, la progression des négociations en cours pourrait consolider la zone de libre-échange de l'Amérique du Sud et permettre, grâce au nombre croissant d'ententes et d'accords avec d'autres groupements d'Amérique centrale et des Caraïbes, de réaliser des progrès non seulement sur le plan de la construction d'un système régional d'intégration, mais aussi sur celui de la coordination pour faire face aux négociations difficiles qui précéderont l'établissement de la ZLÉA.

Les négociations continentales

Dès le Sommet des Amériques, tenu à Miami en décembre 1994, les relations continentales sont redevenues un sujet d'actualité, mais cette fois dans un contexte différent de celui de l'époque de la guerre froide. Les 34 chefs d'État et de gouvernement des pays du continent ont convenu, entre autres, de promouvoir la constitution d'une zone de libre-échange (ZLÉA) après des négociations qui devraient aboutir en 2005. Trois réunions ministérielles ont eu lieu jusqu'ici (Denver en juin 1995, Cartagena de Indias en mars 1996 et Belo Horizonte en mai 1997) dans le but de définir les critères et les grandes lignes permettant d'entamer les négociations en vue de la constitution de la ZLÉA, critères qui seront adoptés au cours du deuxième Sommet qui se tiendra à Santiago au Chili en mars 1998. Quelques critères ont déjà fait l'objet de consensus, dont la portée continentale de l'accord, sa coexistence avec les ententes sous-régionales et bilatérales existantes, une couverture élargie, le soutien des économies les moins développées, l'adoption des décisions par consensus, la préservation de l'environnement, la promotion du développement durable et le rejet d'une nouvelle structure institutionnelle.

Les rencontres successives des ministres et des sous-ministres ont fait ressortir les divergences entre les principaux groupes de pays, positions qui s'articulent autour de deux pôles : les États-Unis au nord, et le MERCOSUR au sud, avec le Brésil à sa tête. Il s'avère difficile, pour diverses raisons, de trouver un accord entre des pays aux conditions aussi diverses que les États-Unis, première puissance mondiale, un grand nombre de pays intermédiaires et de petites économies où les revenus par habitant atteignent à peine deux cents dollars par année. Les différences se manifestent également sur le plan des relations commerciales actuelles : si l'on trace une ligne au niveau de l'équateur, on constate que le principal partenaire vers le Nord sont les États-Unis, destinataires en 1994 de 85,2 % des exportations du Mexique et de près de 40 % de celles de l'Amérique centrale. En revanche, au cours de la même année, seulement 17,5 % des exportations du MERCOSUR étaient destinées aux États-Unis.

Cette diversité est apparue au grand jour lors des discussions de Belo Horizonte au sujet du calendrier et de la teneur des négociations en vue de la constitution d'une zone de libre-échange continentale pour l'an 2005. Alors que les États-Unis, appuyés avec des nuances et pour des raisons différentes par le Canada, le Chili, l'Amérique centrale et les Caraïbes, proposaient de négocier tous les dossiers simultanément, les pays du MERCOSUR se sont prononcés en faveur de la tenue de négociations graduelles en trois étapes : libéralisation des échanges (1998-1999), harmonisation des normes techniques (2000- 2002) et accès aux marchés (2003-2005)6.

Entre les États-Unis et le MERCOSUR se situent les autres groupes de pays de la région dont les perspectives d'avenir reposent sur l'accès, dans les meilleures conditions possibles, au marché nord-américain. C'est le cas des pays d'Amérique centrale et des Caraïbes pour lesquels, après l'échec des négociations bilatérales avec les États-Unis, les négociations sur la ZLÉA constituent l'instrument le plus susceptible de leur redonner les avantages dont ils bénéficiaient à cet égard à la suite de l'« Initiative pour les Caraïbes », avantages fortement érodés par la signature de l'ALÉNA.

Bref, devant un cadre de négociations aussi complexe et varié du point de vue des intérêts à court terme, il est plus que probable que les négociations en vue de l'établissement de la ZLÉA soient difficiles et compliquées. En effet, les divergences relatives aux modalités, au contenu et à l'échéancier des négociations ne sont pas seulement d'ordre méthodologique, mais touchent également aux questions de fond comme le type de spécialisation internationale à mettre en place sur le continent. Ce dernier aspect constitue la base de la stratégie du MERCOSUR, qui consiste à avancer pas à pas, selon un « calendrier acceptable », afin d'écarter le danger d'un choc dont les effets seraient dramatiques pour la compétitivité des industries et la bonne marche des économies de la région si l'ouverture commerciale en faveur de la première puissance mondiale se faisait brusquement7.

Les relations Union européenne-Amérique latine

Dans un effort pour établir un dialogue institutionnalisé entre les deux régions et surmonter la stagnation relative des relations économiques réciproques, l'Union européenne a adopté une nouvelle approche. Ainsi, en même temps qu'elle reconnaît l'existence d'un cadre politique régional, représenté par le Groupe de Rio, l'UE a revalorisé la présence de quelques interlocuteurs sous-régionaux, tels que le MERCOSUR, la Communauté andine et l'Amérique centrale (« Dialogue de San José »), tout en poursuivant ses relations bilatérales traditionnelles avec les pays non incorporés aux systèmes sous-régionaux d'intégration, c'est- à-dire le Chili, le Mexique et Cuba8.

Grâce à cette nouvelle approche face à l'Amérique latine, les relations entre l'UE et le MERCOSUR ont fait des progrès rapides et ont mené à la conclusion de l'« Accord-cadre interrégional de coopération entre l'Union européenne et ses États membres et le Marché commun du sud et ses États parties », signé à Madrid le 15 décembre 1995 par les plus hautes autorités des deux blocs. Cet accord-cadre prévoit une stratégie de libéralisation commerciale : une collaboration économique plus poussée, l'appui à l'intégration et le renforcement des relations dans d'autres secteurs. Il s'agit néanmoins d'un accord transitoire, dont le but est de rapprocher les parties en vue de la constitution d'une « Association interrégionale ». Les négociations devant mener à cette entente vont se dérouler au cours des prochaines années et seront axées notamment sur le secteur commercial, à l'égard duquel il y a des divergences de vues relativement à l'inclusion de certains produits sensibles dans la zone de libre-échange (le secteur agricole surtout pour les Européens et les services et la technologie de pointe pour les pays du MERCOSUR)9.

Parmi les raisons qui expliquent pourquoi le renforcement des relations réciproques devrait s'accentuer et entraîner, par exemple, une consolidation des positions que détiennent les pays de l'UE dans ceux du MERCOSUR en matière de commerce et d'investissements, il faut noter : une perception positive à l'égard des changements que connaît le MERCOSUR, que l'on peut qualifier de marché émergent d'importance ayant un fort potentiel de croissance dans plusieurs secteurs ; le besoin des pays du MERCOSUR d'avoir accès aux marchés européens, surtout en ce qui concerne les produits agricoles, de faciliter les investissements, de même que les transferts de technologie et d'aborder des dossiers tels que l'équilibre régional et la protection de l'environnement. Bien que cette étude ne traite pas d'autres possibilités d'intégration internationale, il ne faut pas oublier que, de plus en plus, pour nombre de pays de la région, l'ouverture sur l'extérieur ne se limite pas seulement au continent américain ou à l'Union européenne, mais vise également d'autres régions, comme en témoignent l'augmentation des échanges commerciaux et économiques entre les pays de l'Asie-Pacifique et ceux de l'Amérique latine et l'importance des investissements directs de ces nations dans la région10.

Tendances, options et défis

La complexité de ce cadre et l'impossibilité de considérer l'Amérique latine comme un tout homogène, au moins à court terme, va fort probablement se traduire par des réponses différentes de la part des sous-régions et des regroupements de pays. On peut hypothétiquement supposer que le processus croissant d'articulation et de polarisation que connaît toute la région va mener à la formation de deux zones d'intégration, chacune dotée de son propre pôle d'articulation : l'une au Nord, avec le Mexique au centre, qui pourrait comprendre les pays d'Amérique centrale et des Caraïbes, et l'autre au Sud, dont le centre serait le MERCOSUR et qui pourrait s'étendre à tous ou à quelques- uns des pays d'Amérique du Sud. Il se peut également que ces options s'insèrent finalement à l'intérieur d'un cadre de relations ou d'un horizon géographique plus vaste en termes de commerce et d'accès aux marchés dans des conditions préférentielles. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'éventuelle constitution d'une zone de libre-échange sous le leadership des États-Unis, qui pourrait s'étendre à tout le continent (de l'Alaska à la Terre de Feu). Si l'opposition entre le Nord et le Sud persiste, on pourrait assister à l'émergence d'une entité de moindre envergure, une phase préalable peut-être à une zone de libre-échange qui comprendrait les États-Unis et les pays de la région sur lesquels ils ont le plus d'influence, c'est-à-dire le Mexique, déjà intégré à l'ALÉNA, les pays d'Amérique centrale et des Caraïbes et, peut-être, le Chili11.

En tout état de cause, il est évident que va se dérouler dorénavant une dure lutte pour l'hégémonie dans la région, lutte qui va être axée autour de deux importants événements : la tenue, en mars 1998, du second sommet continental avec le début des négociations visant à rendre plus cohérente la ZLÉA ; en 1998 également, le premier sommet présidentiel entre l'Union européenne et le MERCOSUR, avec éventuellement l'Amérique latine au grand complet. Dans ce jeu stratégique, à côté de protagonistes comme les États-Unis et l'Union européenne, le MERCOSUR se dessine comme un acteur de premier plan et, bien qu'il ne soit pas la seule contrepartie régionale, comme arbitre de la dispute entre Européens et Nord-Américains. Ce scénario pourrait également être enrichi par la présence active des pays de l'Asie-Pacifique, l'autre centre de pouvoir économique mondial. Leur participation pourrait avoir des effets bénéfiques, car, pour que le MERCOSUR et les autres pays de la région puissent en tant que nations émergentes s'articuler entre eux et s'ouvrir sur le monde, il faudrait pouvoir compter sur le concours des partisans du « multipolarisme » politique et du « multilatéralisme » commercial dans des aspects qui sont cruciaux pour faire face avec succès au double défi de la mondialisation et de la formation de blocs de nations12.



1. Voir notre article En la era de la globalización. Espacios y opciones de integración. Revue Capítulos, SELA, numéro 45, janvier/mars 1996.

2. Voir Notas Estratégicas, SELA, numéro 29, février 1997, intitulé, ¿Lo que el viento se llevó? El trato especial para los países en desarrollo, qui fait le point sur l'état actuel du traitement des dissimilitudes.

3. Voir l'information sur le douzième Sommet des présidents du MERCOSUR, revue SUCESOS (www.intermedia.com. ar./sucesos/270697).

4. L'un des obstacles qui doivent être surmontés est celui qui découle de la faiblesse des relations commerciales et économiques entre les systèmes comme, par exemple, le MERCOSUR et la CAN; la CAN et le MCCA (à l'exception du Venezuela), les pays de l'ALADI et du CARICOM ou l'Amérique centrale et le CARICOM.

5. Le Traité de Montevideo de 1980, qui créa l'ALADI, est visé par la « clause d'habilitation » adoptée lors des négociations du GATT de Tokyo comme exception à la clause de la nation la plus favorisée, afin d'avantager les accords généraux conclus entre les pays en développement qui visent à réduire ou à éliminer les entraves au commerce réciproque.

6. Voir Boletín sobre Integración de América Latina y el Caribe, SELA, numéro 4, mai 1997.

7. Au sujet de la crainte que partagent entrepreneurs et travailleurs du MERCOSUR, le ministre des Affaires étrangères du Brésil, Luiz Felipe Lampreia, a justifié le « gradualisme » et la prudence par le fait qu' « ici nous discutons de l'avenir de nos entreprises et de nos emplois » (voir SELA, Boletín mentionné ci-dessus).

8. Jusqu'à très récemment, l'UE orienta principalement ses efforts d'intégration vers les pays d'Amérique centrale et du Groupe andin, pays qui bénéficient de systèmes de préférences commerciales spéciales. Les pays des Caraïbes ont souscrit à la Convention de Lomé conclue par l'UE avec les anciennes colonies d'Afrique, les Caraïbes et le Pacifique.

9. Voir le rapport de l'IRELA : El acuerdo interregional entre la UE y el MERCOSUR : ¿Una nueva estrategia de la UE en América Latina?, [L'accord interrégional entre l'UE et le MERCOSUR : Une nouvelle stratégie de l'UE en Amérique latine ?] Madrid, 14 septembre 1995.

10. Plusieurs pays de la région (le Mexique, le Chili et le Pérou) font déjà partie du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC).

11. Selon les déclarations du ministre des Affaires étrangères Miguel Angel Insulza, lors d'une récente rencontre internationale organisée par l'Université du Chili : « Le Chili cherche à conclure des accords économiques avec toutes les régions avec lesquelles nous entretenons des relations d'affaires, mais privilégie l'intégration avec l'Amérique latine. Avec les uns nous voulons signer des accords de libre-échange; avec l'Amérique latine et, en particulier, avec les pays qui font partie du MERCOSUR, nous voulons engager un processus véritable d'intégration ». (Selon une dépêche de l'agence EFE du 22 mai dernier).

12 Citons notamment : un large accès à leurs marchés, des associations patronales birégionales, des investissements stables et productifs, des transferts de technologies propres et adéquates et la formation de la main-d'œuvre.