FORCES

Pour le Canada et le Québec
Des marchés a développer sur tout le continent

Patricia Gudiño Fernandez
Vice-présidente, Conseil québécois pour l'Amérique latine-Programme Bolivar

Pierre Bouchard
Candidat au doctorat
Département de science politique Université du Québec à Montréal

L'Amérique latine est en pleine effervescence économique. Après le ralentissement auquel ont dû faire face le Mexique, l'Argentine et l'Uruguay en 1995 à la suite de la dévaluation du peso mexicain, l'ensemble de la région a connu en 1996 une croissance moyenne de 3,4 % ; on prévoit qu'elle grimpera à 4 % en 1997. Les gouvernements de la région continuent d'appliquer des politiques de privatisation des entreprises d'État, d'ouverture de leurs marchés au commerce extérieur, de restriction budgétaire et de contrôle de l'inflation.

La croissance des exportations qui représentaient le triple du produit intérieur brut (PIB) de la région en 1996, tout comme une injection massive de capital étranger de 50 milliards de dollars américains, expliquent en bonne partie cette performance économique. Cette tendance s'est encore accentuée et les investissements étrangers en Amérique latine ont augmenté de 24,48 % durant les cinq premiers mois de l'année en cours. En comparaison de ceux-ci, les investissements en Asie-Pacifique (à l'exception du Japon) n'ont augmenté que de 2,65 % pour la même période. En contrepartie, les importations atteignaient 245 milliards de dollars américains en 1996.

Les entreprises canadiennes sont également de plus en plus présentes dans la région avec des investissements d'environ 15 milliards de dollars : soit un milliard au Venezuela et en Argentine, 3,5 milliards au Brésil et 7 milliards de dollars déjà versés ou prévus au Chili. Les exportations canadiennes en Amérique latine et aux Antilles ont atteint l'année dernière 4,8 milliards1, le même niveau qu'en 1995 après avoir augmenté de 20 % l'année précédente. Cette stagnation relative des exportations canadiennes sur plusieurs marchés latino-américains en 1996 s'explique d'abord par « l'effet tequila » et le fait que plusieurs pays ont dû resserrer leur politique monétaire pour contrôler l'inflation et diminuer leurs déficits. Ces politiques donnent déjà des résultats positifs et les taux élevés de croissance que l'on prévoit pour 1997 devraient favoriser une reprise des exportations canadiennes.

Les partenaires commerciaux du Canada

Voyons maintenant plus en détail la distribution et la nature du commerce entre le Canada, le Québec et les pays latino-américains. Les dix principaux partenaires commerciaux du Canada en Amérique latine sont, dans l'ordre, le Mexique, le Brésil, le Venezuela, la Colombie, le Chili, Cuba, l'Argentine, la Jamaïque, le Pérou et le Costa Rica. Dans le cas du Québec, ce sont le Brésil, le Mexique, le Venezuela, la Jamaïque, le Chili, la Colombie, Cuba, l'Argentine, le Costa Rica et le Pérou.

Les produits agro-alimentaires et les matières premières continuent à dominer les exportations canadiennes en Amérique latine et aux Antilles. Ainsi, le blé représente 13,2 % des exportations, suivi du papier journal (8,8 %), des pièces et véhicules automobiles (5,6 %), de l'équipement de télécommunication (4,2 %), des plantes oléagineuses (4,1 %), de la potasse (3,7 %), etc. En contrepartie, le Canada a importé en 1996 pour 10,5 milliards de dollars de produits latino-américains, soit près du double de ses exportations. Les véhicules et pièces d'automobiles représentent plus ou moins le tiers de ces importations parmi lesquelles on retrouve aussi les fruits (7,9 %), le pétrole brut (7,2 %) et l'or (2,5 %). Fait à souligner, les importations canadiennes en provenance de l'Amérique latine ont presque doublé depuis 1992.

Les exportations québécoises totalisent 859 millions de dollars, soit 18 % des exportations canadiennes en Amérique latine. Si l'on retrouve aussi des matières premières, comme le papier journal (17,3 %) et l'amiante (6,6 %) en tête de liste, le Québec exporte cependant proportionnellement plus de produits de haute technologie, entre autres, des véhicules automobiles (5,6 %), des avions et pièces d'avions (5,1 %), du matériel électronique et de communication (3,7 %), des produits pharmaceutiques (2,4 %), de la machinerie et de l'équipement (2,6 %) et de la machinerie de construction. Au chapitre des importations, qui sont de 1,8 milliard de dollars, le pétrole brut vient au premier rang (22,4 %, principalement du Venezuela et du Mexique) suivi des métaux (14 %) et des fruits (11,6 %).

Dans le contexte des accords commerciaux signés au cours des dernières années par le Canada (l'ALÉNA et l'accord de libre-échange avec le Chili) et des négociations actuelles bilatérales (Canada- MERCOSUR) et multilatérales (Zone de libre-échange des Amériques - ZLÉA), il est utile d'analyser plus en détail les échanges du Canada et du Québec avec ces pays, régions ou blocs commerciaux pour comprendre les intérêts canadiens et québécois dans ces négociations.

Il est intéressant de noter d'abord que, depuis 1995, le Brésil est le principal débouché des produits canadiens exportés en Amérique latine, surpassant même le Mexique. En 1996, le Canada a exporté pour 1,3 milliard de dollars au Brésil et pour 1,2 milliard de dollars au Mexique. On peut toutefois présumer que le partenaire du Canada dans l'ALÉNA, maintenant remis de la récession de 1995, et dont le taux de croissance se situera entre 5 et 6 % en 1997, va bientôt redevenir le premier client du Canada en Amérique latine. Fait à noter, le Canada enregistre aussi un léger surplus commercial de 152 millions de dollars avec le Brésil, malgré son important déficit commercial avec l'Amérique latine qui s'explique presque entièrement par son déficit de 4,8 milliards de dollars avec le Mexique, qui reste le premier partenaire du Canada en Amérique latine. Quant au Québec, même s'il subit un léger déficit commercial avec le Brésil (beaucoup moindre cependant que celui qu'il enregistre avec le Mexique), l'importance de ce marché est encore plus prononcée. Si la part du Québec dans les exportations canadiennes au Mexique n'est que de 13 %, elle est, par contre, de près de 19 % au Brésil pour un total de 241 millions de dollars, ce qui fait du Brésil le principal partenaire commercial du Québec en Amérique latine. On doit toutefois noter que si les exportations canadiennes au Brésil et au Mexique sont restées stables par rapport à celles de 1995, les exportations québécoises, elles, ont connu de fortes fluctuations. Elles ont doublé en 1996 au Mexique, revenant ainsi à leur niveau d'avant la crise du peso, pendant qu'elles diminuaient de 30 % au Brésil après avoir augmenté de 120 % en 1994 et 1995, en raison des variations des ventes de papier journal.

Le marché brésilien

Cette place prépondérante du marché brésilien dans les exportations canadiennes et québécoises explique peut-être en partie l'intérêt grandissant du Canada pour le MERCOSUR, le Marché commun du Sud qui comprend le Brésil, l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay de même que le Chili et la Bolivie qui en sont des membres associés. Même s'il n'est pas encore question d'un accord officiel de libre-échange, les deux pays ont annoncé, en avril 1997, le début de négociations en vue d'une entente entre le Canada et le MERCOSUR destinée à faciliter les échanges commerciaux. Dans le contexte d'une négociation pour la ZLÉA plus longue et plus ardue que prévu et de l'éventuelle inclusion au MERCOSUR de la presque totalité des pays sud-américains à titre de membres associés, cet accès privilégié au MERCOSUR que pourraient obtenir les exportateurs canadiens et québécois leur donnerait sans doute une longueur d'avance sur leurs concurrents américains.

Les exportations du Canada vers le MERCOSUR atteignent 1,8 milliard de dollars, soit 38 % de ses exportations totales en Amérique latine. Le Québec, pour sa part, y exporte pour 331 millions, ce qui représente 38,5 % de l'ensemble de ses exportations en Amérique latine. Le Canada et le Québec importent respectivement pour 1,7 milliard et 608 millions de dollars du MERCOSUR. Après le Brésil, le Chili et l'Argentine sont les deux principaux clients du Canada et du Québec. Le blé, le papier journal, la potasse, l'amiante et, en ce qui concerne le Québec, les avions et les pièces d'avions sont les principaux produits exportés.

La Communauté andine, composée de la Colombie, de la Bolivie, de l'Équateur et du Venezuela, vient au deuxième rang des groupes sous-régionaux pour les exportations canadiennes qui ont atteint 827 millions de dollars en 1996. Le Canada, de son côté, a importé pour 1,2 milliard de ces pays. Les importations par le Québec furent de 365 millions de dollars tandis que ses exportations atteignaient 167 millions. Les échanges commerciaux entre la Communauté andine et le Canada sont essentiellement de même nature que ceux du MERCOSUR, exception faite du pétrole du Venezuela qui y occupe une place importante. Le Venezuela et la Colombie sont les principales destinations des exportations canadiennes vers la Communauté andine.

Comme nous l'avons mentionné, les membres de la Communauté andine ont repris récemment les négociations avec le MERCOSUR pour l'accession en bloc des trois pays à titre de membres associés (la Bolivie ayant déjà ce statut). Les négociations avaient été retardées en 1996 par la situation politique en Équateur et par l'incertitude quant au statut du Pérou dans le groupe. La normalisation de la situation en Équateur et la récente décision du Pérou de quitter la Communauté andine ont permis la reprise des négociations et tout laisse croire qu'un accord pourrait être signé en 1998 ou même avant la fin de cette année. L'accord serait semblable à celui qu'ont déjà signé le Chili et la Bolivie, soit du type 4+1, les membres associés au MERCOSUR acceptant de former entre eux une zone de libre-échange sans toutefois adopter le tarif commun des quatre membres du MERCOSUR. Quant au Pérou, il a lui aussi entrepris des négociations directes avec le MERCOSUR. Le Pérou représente un marché de 145 millions pour les exportateurs canadiens et de 27 millions pour ceux du Québec.

L'ensemble de l'Amérique du Sud, à l'exception des Guyanes et du Surinam, pourrait donc bientôt participer à un ALÉSA de fait (Accord de libre-échange sud-américain). Ce vaste marché reçoit déjà 2,8 milliards de dollars d'exportations canadiennes, soit 58 % des exportations totales du Canada en Amérique latine, et 523 millions du Québec, soit 61 % du total exporté par la province en Amérique latine. Notons que le Québec reçoit près du tiers des importations canadiennes, qui totalisent 3,2 milliards, en provenance de cette région. Cette zone potentielle de libre-échange, centrée sur le MERCOSUR et ayant en son cœur le vaste marché brésilien où les exportateurs canadiens et québécois font déjà bonne figure, continuera certainement à retenir l'attention du Canada et du Québec dans les années à venir.

Un troisième groupe, le CARICOM

Le CARICOM ou la Communauté des Caraïbes, qui regroupe la majorité des anciennes colonies anglaises de même que la République dominicaine, forme le troisième plus important groupe sous-régional pour les exportateurs canadiens et québécois, qui y exportent respectivement pour 332 et 62 millions de dollars. Dans ce cas-ci, la nature des principaux produits exportés diffère quelque peu de ceux que nous avons décrits jusqu'à maintenant. Pour le Canada, l'industrie de la transformation du poisson vient en premier lieu avec 54 millions de dollars tandis que pour le Québec, c'est plutôt l'industrie de la viande et de ses produits (sauf la volaille) qui se classe au premier rang avec 7,3 millions. En ce qui touche les importations en provenance des pays du CARICOM, qui s'élèvent respectivement à 633 et 238 millions de dollars pour le Canada et le Québec, celles-ci se composent surtout de métaux, de fruits et de produits de distillation. Le CARICOM représente environ la moitié des exportations canadiennes et québécoises dans l'ensemble de la région des Antilles qui se chiffrent, quant à elles, à 658 et 149 millions de dollars respectivement. Le Canada et le Québec importent respectivement de cette région pour 872 millions et 294 millions de dollars.

Les Antilles représentent donc 14 % des exportations canadiennes vers l'Amérique latine et 17 % de celles du Québec. Le plus important pays de cette région pour les exportateurs canadiens et québécois, Cuba, avec ses 11 millions d'habitants, reçoit 37 % des exportations canadiennes vers les Antilles, soit 240 millions de dollars. Le Canada importe pour 400 millions de ce pays. Les exportations québécoises vers Cuba, quant à elles, atteignent 50 millions, ce qui représente 34 % des exportations de la province vers les Antilles, alors que les importations québécoises en provenance de Cuba se chiffrent à 55 millions. Le niveau de ce commerce bilatéral peut expliquer en partie le désir du Canada de maintenir et d'améliorer ses liens commerciaux avec Cuba. Le cas particulier d'Haïti attire aussi notre attention, puisque les exportations du Québec dans ce pays ont fait un bond remarquable, passant de 1 million en 1992 à 20 millions de dollars en 1996. De plus, la moitié des exportations québécoises vers Haïti se composent de matériel électronique et de communications et représentent les deux tiers des exportations canadiennes dans ce pays, qui s'élèvent à 29,2 millions de dollars. Les importations québécoises ont, quant à elles, décuplé depuis 1992, atteignant 1,3 million et l'on peut s'attendre qu'avec la normalisation graduelle de la situation politique et économique en Haïti, ce pays constituera un marché privilégié pour le Québec dans les Antilles.

Enfin, le Marché commun centraméricain (MCCA), composé du Costa Rica, du Salvador, du Guatemala, du Honduras et du Nicaragua, reçoit pour 132 millions (dont 23 millions du Québec) d'exportations canadiennes. Le Canada et le Québec importent respectivement pour 336 millions et 102 millions de dollars du MCCA. Le Canada y exporte principalement du papier journal, du carton, de la potasse et du blé. Dans le cas du Québec, par contre, l'industrie des vêtements de base domine, suivie des matières plastiques, des résines synthétiques et de l'aluminium de première fusion. Si l'on ajoute le Panama aux pays du MCCA, ce sont 176 et 34 millions de dollars respectivement qu'exportent les firmes canadiennes et québécoises vers cette région, en parts plus ou moins égales au Costa Rica, au Guatemala et au Panama en ce qui touche le Canada, et surtout au Panama et au Costa Rica pour le Québec. Il est intéressant de noter que les importations du Canada en provenance du Costa Rica, qui se chiffrent à 147 millions, sont trois fois supérieures à ses exportations tandis que le Québec, avec 53 millions, importe plus de cinq fois la valeur de ses exportations vers ce pays. Le commerce Costa Rica-Québec atteint le tiers du total canadien. L'Amérique centrale et le Panama reçoivent respectivement 3,7 % et 4 % des exportations canadiennes et québécoises vers l'Amérique latine. Le Canada et le Québec importent de ces régions respectivement 3,5 % et 5,7 % de leurs importations totales.

Des secteurs prometteurs

Quant aux entreprises canadiennes ayant exporté avec succès leurs produits en Amérique latine, notons, entre autres, Nortel, McCain Foods Ltd, AlliedSignal Aérospatiale Canada Inc., Champion Road Machinery Ltd., Newbridge Networks Corporation, Maloney Steel Ltd., Alta Genetics Inc. et Maple Leaf Foods International. Du côté des entreprises québécoises exportant le plus de biens et services vers l'Amérique latine, mentionnons : Bell Helicopter Textron, Biochem Pharma Inc., Bombardier Inc., Bionaire Inc., Cascades P.S.H. Inc., Dominion Bridge Inc., Domtar Inc., JM Abestos Inc., Lab Chrysotile Inc., Pratt & Whitney Canada Inc., SNC-Lavalin International Inc., Société d'Aluminium Reynolds du Canada, SR Télécom Inc. et Tembec Inc.

D'autre part, la rapide libéralisation des marchés latino-américains de même que la privatisation d'entreprises d'État dans de nombreux pays nous permettent d'identifier certains secteurs prometteurs pour les exportateurs canadiens et québécois. Ce sont principalement les secteurs des biens de consommation, des télécommunications, de l'automobile, de l'agro-alimentaire, du pétrole et du gaz, de la protection de l'environnement, de l'équipement de transport, des logiciels, des soins de santé, des plastiques, des avions et des moteurs d'avions, des pâtes et papiers, de l'exploitation minière, de l'ingénierie et des services de construction.

Pour appuyer les entrepreneurs, plusieurs ministères et organismes des gouvernements assurent le soutien et la promotion des échanges commerciaux avec l'Amérique latine. Au niveau fédéral, on retrouve tout d'abord le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) qui, par le biais de ses nombreux délégués et agents commerciaux présents dans les différents consulats et ambassades, soutient les démarches des entreprises canadiennes, collecte les données et procure des analyses sur les débouchés potentiels pour les entreprises canadiennes. Plusieurs de ces données et analyses sont transmises à des intermédiaires au Canada, entre autres, la Société pour l'expansion des exportations, les Centres du commerce international, l'Agence canadienne de développement international, Industrie Canada, la Corporation commerciale canadienne et les gouvernements provinciaux.

Du côté québécois, plusieurs ministères peuvent venir en aide aux entreprises québécoises désirant faire des affaires en Amérique latine : le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie (MICST), le ministère des Ressources naturelles, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) et le ministère des Relations internationales du Québec. Le MICST joue un rôle prépondérant grâce au tout nouveau Programme de soutien au financement de projets d'immobilisation à l'étranger (SAFPIE) qui vise à aider les entreprises voulant obtenir des contrats pour la construction d'infrastructures publiques et privées. On compte aussi les chambres de commerce de pays latino-américains pour le Québec, en particulier celles du Québec-Mexique, du Québec-Chili et du Québec-Brésil. Certaines associations servent aussi à faciliter le commerce Québec-Amérique latine, notamment le Groupe Action Americas (GAA) composé d'organismes privés et gouvernementaux.

On doit aussi mentionner les fournisseurs de services comme le Programme Bolívar « Enlace » (liaison) créé à Caracas en 1992. Celui-ci se définit lui-même comme étant « un réseau de " pistes d'atterrissage " en Amérique latine pour les entreprises désireuses d'investir, de trouver des partenaires compétents, d'avoir accès à des personnes-ressources hautement efficaces à un coût modique ». Ce programme, appuyé par la Banque interaméricaine de développement (BID), vise surtout à aider les petites et moyennes entreprises (PME) de toutes les Amériques à s'implanter dans de nouveaux marchés en leur donnant accès à des personnes-ressources ou à de l'information.

Les perspectives d'avenir

Finalement, jetons un coup d'œil sur les perspectives d'avenir pour l'Amérique latine et la libéralisation du commerce dans les Amériques. On estime qu'en l'an 2000 le demi-milliard d'habitants de l'Amérique latine et des Antilles, qui pourraient compter 700 millions d'habitants en l'an 2020, auront un pouvoir d'achat s'élevant à 1 billion de dollars américains. Si l'Amérique latine présente une population totale moindre que celle de la région de l'Asie-Pacifique, un pourcentage plus élevé de ses habitants font partie de la classe moyenne avec le pouvoir d'achat qui s'y rattache. De plus, la population latino-américaine est relativement plus homogène et plus proche géographiquement et culturellement que celles de beaucoup d'autres régions du monde en voie de développement, ce qui facilite et simplifie la mise en marché de différents produits. Un autre argument en faveur du commerce et de l'investissement en Amérique latine et qui se fait entendre de plus en plus souvent chez de nombreux entrepreneurs canadiens et québécois touche le cadre juridique et réglementaire qui s'avère souvent plus clair et moins complexe que celui de plusieurs pays de la région Asie-Pacifique par exemple.

Ce marché latino-américain deviendra en outre de plus en plus accessible aux entreprises canadiennes et québécoises dans le contexte d'une libéralisation accélérée du commerce en Amérique latine. Comme nous l'avons vu, la grande majorité des pays latino-américains font partie de l'un ou l'autre des différents groupes commerciaux sous-régionaux et, contrairement aux accords précédents, visent tous la pleine intégration à l'économie mondiale. De plus, tous les gouvernements des Amériques, à l'exception de celui de Cuba, se sont engagés à former une Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) au plus tard en 2005. Les négociations officielles qui débuteront en mars 1998 à Santiago s'annoncent ardues, en particulier à cause des divergences entre les États-Unis et le MERCOSUR et des résistances d'une partie du Congrès américain. Cependant, si une partie de la population américaine reste à convaincre, les Canadiens et les Québécois, quant à eux, semblent déjà convaincus, à en juger par le peu de controverses qu'ont soulevées l'accession du Mexique à l'Accord de libre-échange avec les États-Unis de même que la récente signature du traité de libre-échange Canada-Chili. Le gouvernement canadien, par sa récente décision d'entreprendre des négociations directes avec le MERCOSUR, montre aussi sa détermination à libéraliser le plus rapidement possible les échanges du Canada avec l'Amérique latine indépendamment du résultat du débat interne aux États-Unis. Pour les entrepreneurs canadiens, québécois et leurs partenaires latino-américains, la porte n'aura jamais été aussi grande ouverte.


1. Les statistiques citées dans cet article ont été établies à partir de la base de données du gouvernement canadien, disponible sur le site internet strategis.ic.gc.ca. À moins d'indications contraires, les données ne valent que pour l'année 1996 et celles du Canada englobent le Québec. De plus, les données pour l'industrie des services n'étant pas disponibles en détail, les totaux ne concernent que les produits exportés et importés. Quelques analyses suggèrent que les services pourraient représenter jusqu'à 33 % de la valeur des produits exportés. Enfin, le lecteur est prié de noter qu'à cause de la « réexportation » de produits canadiens à partir des États-Unis vers l'Amérique latine, la valeur des exportations canadiennes et québécoises peut être sous-évaluée jusqu'à concurrence de 15 %.